La jeune garde tranquille
Élu député en juin, Matthias Fekl, jeune haut fonctionnaire très implanté
localement dans le Lot-et-Garonne, vient de se voir chargé des questions de
réforme de l’État au Parti socialiste.
Son ascension
aura été tout à la fois tranquille et éclair. Élu dans la vague socialiste des législatives,
Matthias Fekl, 35 ans, siège depuis le mois de juin sur les bancs du
Palais-Bourbon. Dans la foulée, à l’automne, son parti, celui de la rose, l’a
intronisé dans le cercle très fermé de ses dirigeants.
Ce magistrat
administratif se retrouve ainsi, après le congrès de Toulouse, aux manettes de la
fédération socialiste du Lot-et- Garonne et en même temps bombardé au secrétariat
national – le « gouvernement » du parti – pour suivre la réforme et la
modernisation de l’État. À cela s’ajoutent un mandat de conseiller régional
d’Aquitaine et un autre de conseiller municipal de Marmande. Autant dire que le
jeune député a bétonné sa position politique…
Après des mois
de campagne, il continue de labourer sa circonscription, arrachée au second tour
à l’une des personnalités de droite les plus puissantes du coin, l’ancien
préfet du département et ancien président du conseil général, Michel
Diefenbacher, élu à l’Assemblée depuis une décennie.
Chez Matthias
Fekl, le désir de se frotter au suffrage universel remonte à 2006. Alors qu’il
officie comme magistrat au tribunal administratif de Paris et qu’il jouit déjà
d’une bonne implantation dans les réseaux socialistes – il a été le délégué d’À
gauche en Europe, le think tank strauss-kahno-rocardien favorable au «
oui » pour le referendum européen –, lui vient une interrogation assez
fondamentale : « Dois-je rester un conseiller d’hommes politiques ou
est-ce que je me lance moi-même ? »
La réponse est
vite trouvée. Enseignant occasionnel à la prep’ENA de Sciences-Po Bordeaux,
Matthias Fekl s’implante méthodiquement non loin de là, à Marmande. Parallèlement,
il s’implique dans la modernisation du Parti socialiste et œuvre en 2008 au
côté du président du think tank Terra Nova, Olivier Ferrand –
brutalement décédé cet été –, au premier rapport consacré aux élections
primaires, processus utilisé par la suite pour la désignation de François
Hollande.
Directeur de
campagne du maire socialiste sortant de Marmande pour les municipales de 2008, Matthias
Fekl obtient son ticket sur la liste. Puis sur celle des régionales, en 2010.
La même année, le président du groupe socialiste au Sénat de l’époque, le « hollandais
» Jean-Pierre Bel, l’embauche comme directeur de cabinet. Ensemble, ils se
lancent à la conquête du Plateau, la présidence du Sénat. « C’est l’homme
que beaucoup n’ont pas vu arriver et ont sous-estimé. Il s’est imposé
tranquillement », dit-il à propos de l’actuel président du Sénat.
Matthias Fekl
songe alors aux législatives dans cette terre lot-et- garonnaise qui n’est
originellement pas la sienne. Ce juriste a en effet grandi les vingt premières années
de sa vie outre-Rhin. Son père allemand et sa mère française travaillent dans
l’enseignement. Le jeune Fekl, titulaire de la double nationalité, découvre la
France en vacances dans les monts du Lyonnais. «_Je me suis toujours
senti Français et je n’ai jamais eu de doute sur le fait que je souhaitais
vivre en France._» Matthias Fekl débarque à Paris en 1996, au lycée
Henri-IV, pour suivre une classe préparatoire. Avant d’enchaîner les grandes
écoles : l’École normale supérieure de Fontenay-Saint- Cloud, Sciences-Po et
enfin l’ENA, dont il ne garde pas un très bon souvenir_: « Une scolarité
très pauvre au sein d’une école qui crée beaucoup de cynisme chez les
hauts fonctionnaires ».
À la sortie,
il rejoint les juridictions administratives avec déjà l’idée de faire de la
politique. « J’ai toujours su que je voulais m’engager », analyse
le député, membre de la commission des lois, qui se trouve aujourd’hui au cœur
du processus de la réforme de l’État et de la décentralisation. Il sera en
coulisses l’un des acteurs qui vont mettre de l’huile dans les rouages et
faciliter la négociation des grands textes. Sans avoir l’intention, en tout cas
pour l’instant, de trop médiatiser son action, à la différence d’autres jeunes
collègues : « Je parle quand j’ai des trucs à dire, je ne suis pas un
commentateur ». C’est encore l’un des moyens les plus sûrs de durer en
politique…
Pierre Laberrondo - [Copyright Acteurs publics]
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