Article paru dans Le Figaro le 20 août 2012
Les nouveaux députés socialistes élus en juin font
leurs classes à l'Assemblée nationale, mais certains sont déjà de vieux
routiers de la vie politique.
Ils sont 140
nouveaux députés au sein du groupe socialiste à l'Assemblée nationale. Une
quarantaine d'entre eux ont entre 30 et 40 ans. Ce sont les députés de la
«génération Hollande», comme il y eut la génération Mitterrand. Des élus qui
doivent l'essentiel de leur légitimité à François Hollande. Certains commencent déjà à
faire parler d'eux. Le député de Paris Pascal Cherki fait entendre sa voix et
ses positions très à gauche. La députée des Hautes-Alpes Karine Berger, l'une
des jeunes économistes de la campagne de François Hollande (elle est
polytechnicienne), est déjà écoutée. La députée des Français de Londres, Axelle
Lemaire, s'est fait remarquer en refusant un ministère délégué aux Français de
l'étranger.
Quant au
nouveau député de Seine-et-Marne Olivier Faure, il est déjà surveillé: très
proche de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault, il est à la manœuvre
politique pour le premier ministre. Son nom a même été cité comme possible
premier secrétaire du PS, en remplacement de Martine Aubry.
À bien y
regarder, les nouveaux… ne le sont pas tous. «Il y a des vrais et des faux»,
observe Laurent Baumel (Indre-et-Loire), l'une des plumes de l'ancien réseau
Strauss-Kahn. «Certains ne font de la politique que depuis quelques années et
n'ont pas une longue ancienneté. Souvent, ce sont des femmes» qui ont bénéficié
du souci de parité. Leur élection est un concours de circonstances, tandis que
d'autres ont dû se battre pour y arriver. Et puis il y a une génération de
nouveaux qui sont investis au PS depuis quinze ou vingt ans. «Nous avons mûri
dans l'attente. Nous sommes des nouveaux au Parlement, mais sans l'être en
politique. On a une expérience politique qui nous permet d'être rapidement
présents dans les débats», poursuit Baumel.
«Une approche plus pragmatique»
Même
sentiment pour Razzy Hammadi (Seine-Saint-Denis), qui a enfin
réussi à décrocher un mandat après avoir traîné ses ambitions au sein du PS
depuis des années. Ancien patron du MJS, il est un habitué des jeux de
courants. Aujourd'hui, il voudrait s'en extraire et tente d'organiser des rencontres
et des dîners entre nouveaux. «Nous avons trois choses en commun, assure-t-il:
le 21 avril 2002, le sentiment d'être comptables de la victoire et une
approche plus pragmatique et moins clivée en termes de sensibilités au sein du
parti.»
Sur ce dernier
point, c'est à voir… Certains se revendiquent exclusivement du chef de l'État.
«J'ai fait campagne sur ses engagements, le débat n'existe pas entre
sensibilités», affirme Seybah Dagoma, l'un des visages de la diversité à
l'Assemblée. Mais d'autres, de l'aile gauche aux sociaux-démocrates, gardent un
pied dans leur chapelle. Le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, a ainsi
déjà réuni les nouveaux qui lui sont proches. C'est la ligne pragmatique qui
domine: les nouveaux députés PS n'ont pas fait leurs classes à l'extrême
gauche, dans les partis trotskistes ou communistes, contrairement à beaucoup de
leurs aînés.
Parmi les
nouveaux figurent beaucoup de ces chevilles ouvrières qui font vivre un parti:
Émeric Bréhier (Seine-et-Marne), coordinateur du courant Moscovici, ou Barbara
Romagnan (Doubs), chargée d'animer celui de Benoît Hamon. D'autres font presque
figure d'anciens, comme Jean-Marc Germain (Hauts-de-Seine), directeur de
cabinet de Martine Aubry, Christophe Borgel, le «M. Élections» du PS, ou
Pascale Boistard, secrétaire nationale aux adhésions, autre poste clé du
fonctionnement de Solferino.
Beaucoup ont
fait leurs classes dans les arcanes partisans ou dans les organisations de
jeunesse. «Il y a des réflexes de réseau que n'ont pas ceux qui ont des mandats
locaux», analyse Karine Berger. Entre nouveaux, «on s'est mis d'accord pour se
voir», ajoute-t-elle. Pour échanger des idées, des contacts, et se prévenir
mutuellement des pièges… «Il y a une conscience que c'est notre responsabilité
d'arriver au redressement du pays, sans vouloir utiliser le mot officiel du
hollandisme! Si ce n'est pas nous qui le faisons, il ne nous restera pas
grand-chose.»
«Nous sommes
une génération de crise», reconnaît Eduardo Rihan Cypel (Seine-et-Marne),
naturalisé français et né entre les deux chocs pétroliers des années 1970. «On
a grandi avec l'idée que l'exercice du pouvoir était contraint et difficile. Ce
n'est pas pareil d'avoir 20 ans en 68 et 20 ans au moment du congrès de Rennes.
On sait que c'est difficile de gouverner», explique Laurent Baumel. Tous savent
que, dans le contexte actuel, le risque de «décevoir» est grand, comme dit
Matthias Fekl, député du Lot-et-Garonne, 35 ans, qui fut l'un des conseillers
techniques de François Hollande pendant la primaire socialiste. Génération sans
illusion qui veut tenter sa chance.