Tribune publiée dans Le Monde du 17 septembre 2012
La 50e
proposition de François Hollande pour l'élection présidentielle est courageuse
et reflète une évolution nécessaire du code électoral français : "J'accorderai
le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en
France depuis cinq ans."
Il reprend ainsi une
proposition qu'avait déjà émise, sans pouvoir la réaliser, François Mitterrand
en 1981, reconnaissant ainsi la contribution des étrangers à toutes les
facettes de la vie de notre pays, qu'il s'agisse de vie économique,
associative, culturelle, artistique, etc. Et c'est sans compter leur
participation égale à l'impôt, qui reflète plus que tout leur appartenance à la
République.
François
Hollande a mis en avant, tout au long de sa campagne, une conception de la
citoyenneté ouverte, digne héritière de la Révolution française et de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, sans qu'un lien entre
citoyenneté et nationalité soit indispensable. Les sirènes de l'UMP et du Front
national ne le firent pas reculer lors de la campagne, au contraire : ce sujet
tranche net la séparation entre la gauche et la droite.
"LE TEMPS PRESSE"
L'obstacle
des mœurs invoqué par François Mitterrand en 1988 n'en est plus un : en
novembre 2011, 61 % des Français y étaient favorables. Après de nombreuses
tentatives de la part des parlementaires de gauche pour proposer le droit de
vote des étrangers, à l'Assemblée et au Sénat sous des gouvernements de droite,
une loi constitutionnelle a été adoptée au Sénat le 8 décembre 2011.
A la veille
de la reprise des travaux parlementaires, le temps presse. En effet, mettre en
place le droit de vote et d'éligibilité des étrangers aux élections municipales
ne se fera pas en un jour. D'abord parce que l'adoption de la loi
constitutionnelle à l'Assemblée nationale, la réforme de la Constitution par le
Parlement, la loi organique et sa mise en application requièrent un temps
incompressible.
Par
ailleurs, cette mesure changera la nature du corps électoral en France : loin
d'être votée à la va-vite, elle doit au contraire être discutée publiquement
pour en expliquer la portée et sa contribution à une République réconciliée
avec ses citoyens.
A celles et
ceux qui nous disent que nous voulons favoriser le communautarisme par cette
mesure, nous répondons que c'est au contraire l'inégalité de traitement entre l'élu
et ses administrés qui favorise une organisation communautarisée de la société.
Aujourd'hui, les étrangers, qui contribuent à la vie locale notamment par
l'impôt, sont placés en situation d'invisibilité politique.
Pour rappel
et afin de calmer les ardeurs nationalistes de la droite, en comptant les
ressortissants de l'Union européenne, les étrangers participant aux scrutins
municipaux représenteraient seulement 6 % du corps électoral.
A celles et
ceux qui nous disent que le droit de vote et la nationalité sont liés, et
qu'une telle mesure nuirait à la souveraineté nationale, nous répondons que
toute modification de la Constitution est l'expression elle-même de la
souveraineté du peuple. Lui seul peut décider, comme il l'avait déjà fait en
1793, d'ouvrir le droit de vote aux étrangers résidant en France pour les
élections municipales. C'est donc au peuple souverain de décider de cette
ouverture du vote, et les parlementaires que nous sommes ne laisseront pas les
forces conservatrices et de l'extrême droite confisquer ce droit aux citoyens.
A celles et
ceux qui nous disent que cette mesure est dérisoire, nous répondons qu'elle est
essentielle. D'abord pour redonner du sens à un rituel civique appauvri,
notamment dans les quartiers populaires. Ensuite parce que la représentativité
des communes et des départements connaissant une importante population
étrangère est mise à mal : en Ile-de-France, si l'on compte l'abstention,
seulement 20 % de la population a participé aux municipales. Non seulement le
droit de vote des étrangers en augmenterait la représentativité, mais il s'agit
aussi et surtout d'une question d'égalité d'accès au droit de vote pour tous.
Les
sociologues ont mis en avant l'importance de l'environnement familial dans la
formation civique et politique des jeunes. La non-participation des parents aux
élections influence sans aucun doute la décision des plus jeunes de s'inscrire
sur les listes électorales et d'aller voter ou non, alors qu'ils ont, eux, le
droit de le faire.
"DE NOMBREUX PAYS EUROPÉENS NOUS MONTRENT DÉJÀ L'EXEMPLE"
A celles et
ceux qui nous disent que c'est trop tôt, et qu'il faut prendre son temps, nous
répondons que c'est en commençant maintenant que nous aurons la possibilité de prendre
notre temps pour faire cette réforme. Le Conseil de l'Europe, le Parlement
européen, la Commission européenne, le Conseil européen, tous appellent la
France à étendre aux résidents légaux le droit de vote et d'éligibilité aux
élections locales. De nombreux pays européens nous montrent déjà l'exemple.
Nous sommes d'avis que la réforme doit intervenir rapidement, pour se donner
les moyens de l'appliquer lors des prochaines municipales.
Lors du
débat de la présidentielle entre M. Hollande et M. Sarkozy, le candidat
socialiste fit preuve d'une droiture face à ses engagements qui force le
respect. Il refusa de s'engouffrer dans l'amalgame odieux et déplacé de Nicolas
Sarkozy, qui associait sans scrupule étrangers, immigrés, musulmans et
délinquants.
Comment ne
pas être admiratif de ce candidat socialiste fier de ses valeurs, qui a su
démonter l'épouvantail du communautarisme brandi par M. Sarkozy, et démontrer
la pertinence de cet élargissement du droit de vote pour que la contribution
des étrangers, qui sont souvent les parents de citoyens français, soit reconnue
? Pour que leur statut passe enfin de celui d'invisibles à celui d'acteurs de
la vie locale. A nous, élus de la République attachés à la vitalité de la
démocratie et à sa modernité, d'en faire autant dans les actes."
77 députés
du Parti socialiste
Pouria
Amirshahi (Français établis hors de France), Nathalie Appéré (Ille-et-Vilaine),
Alexis Bachelay (Hauts-de-Seine), Serge Bardy (Maine-et-Loire), Philippe Baumel
(Saône-et-Loire), Nicolas Bays (Pas-de-Calais), Karine Berger
(Hautes-Alpes), Philippe Bies (Bas-Rhin), Gisèle Biémouret (Gers),
Jean-Pierre Blazy (Val-d'Oise), Yves Blein (Rhône), Patrick Bloche (Paris),
Kheira Bouziane (Côte-d'Or), Isabelle Bruneau (Indre), Gwenegan Bui
(Finistère), Jean-Claude Buisine (Somme), Alain Calmette (Cantal), Colette
Capdevielle (Pyrénées-Atlantique), Christophe Caresche (Finistère), Fanélie
Carrey-Conte (Paris), Nathalie Chabanne (Pyrénées-Atlantique), Marie-Anne Chapdelaine
(Ille-et-Villaine), Valérie Corre (Loiret), Pascal Deguilhem (Dordogne),
Sébastien Denaja (Hérault), Fanny Dombre-Coste (Hérault), Sandrine Doucet
(Gironde), Jean-Pierre Dufau (Landes), Laurence Dumont (Calvados), Martine
Faure (Gironde), Alain Fauré (Ariège), Mathias Fekl (Lot-et-Garonne), Richard
Ferrand (Finistère), Geneviève Gaillard (Deux-Sèvres), Laurent Grandguillaume
(Côte-d'Or), Estelle Grelier (Seine-Maritime), Edith Gueugneau
(Saône-et-Loire), Jérôme Guedj (Essonne), Elisabeth Guigou (Seine-Saint-Denis),
Razzy Hammadi (Seine-Saint-Denis), Mathieu Hanotin (Seine-Saint-Denis), Régis
Juanico (Loire), Pierre-Yves Le Borgn' (Français établis hors de France),
Dominique Lefebvre (Val-d'Oise), Axelle Lemaire (Français établis hors de
France), Annick Lepetit (Paris), Arnaud Leroy, (Français établis hors de
France), Audrey Linkenheld (Nord), Lucette Lousteau (Lot-et-Garonne), Marie-Lou
Marcel (Aveyron), Jean-René Marsac (Ille-et-Vilaine), Martine Martinel
(Haute-Garonne), Sandrine Mazetier (Paris), Patrick Menucci (Bouches-du-Rhône),
Corinne Narassiguin, (Français établis hors de France), Philippe Noguès
(Morbihan), Maud Olivier (Essonne), Christian Paul (Nièvre), Hervé Pellois
(Morbihan), Sébastien Pietrasanta (Hauts-de-Seine), Elisabeth Pochon(Seine-Saint-Denis),
Michel Pouzol (Essonne), Valérie Rabault (Tarn-et-Garonne), Dominique Raimbourg
(Loire-Atlantique), Eduardo Rihan Cypel (Seine-et-Marne), Denys Robillard
(Loir-et-Cher), Dolores Roque (Hérault), Gérard Sebaoun (Val-d'Oise), Julie
Sommaruga (Hauts-de-Seine), Suzanne Tallard (Charente-Maritime), Thomas
Thévenoud (Saône-et-Loire), Jean-Louis Touraine (Rhône), Cecile Untermaier
(Saône-et-Loire), Jean-Jacques Urvoas (Finistère), JacquesValax (Tarn), Olivier
Veran (Isère), Jean-Michel Villaumé (Haute-Saône). Philip Cordery, (Français de
l'étranger), Sébastien Pietrasanta, (Haut-de-Seine)
http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/09/17/l-appel-de-75-deputes-ps-pour-le-droit-de-vote-des-etrangers-aux-elections-locales_1761152_823448.html