A 35 ans, Matthias Fekl est le plus jeune
député d'Aquitaine. Élu pour la première fois après une nette victoire
dans la 2ème circonscription du Lot-et-Garonne, sa brillante carrière ne
semble qu'à ses débuts. Portrait d'un énarque qui surfe sur la vague
rose.
Fekl, voilà un nom qu'il faudra bientôt savoir
prononcer correctement (dites Fékeul). Une touche d'exotisme germanique
dont s'accommode parfaitement ce député au parcours somme toute
classique: Normale Sup, Sciences Po', ENA, puis conseiller au Tribunal
administratif de Paris en 2005 avant de rejoindre le cabinet de
Jean-Pierre Bel en 2010. Un faux bizut donc, qui sous des dehors candide
a déjà pignon sur rue dans les lieux de pouvoirs parisiens. De ces
années passées à travailler avec le président du Sénat, il garde l'image
d'un homme « qui sait rester simple même lorsqu'il est le deuxième
personnage de l'État et revient chaque semaine auprès de ses électeurs
». Un comportement qui a fait des émules puisque la modernisation de la
vie politique fut un de ses thèmes de campagne. Affable, l'air bonhomme
et la démarche tranquille, il veut rester « disponible auprès de ses
électeurs ».
Une stratégie gagnante puisque Matthias Fekl c'est
même payé le luxe de remporter son duel haut la main face à Michel
Diefenbacher (53,65%), député UMP sortant et véritable baron politique
du Lot-et-Garonne. Pourquoi ce département ? « J'étais maître de
conférence à Sciences Po' Bordeaux et je me suis rapproché de Gérard
Gouze, le maire de Marmande ». Grand bien lui en a pris car ce dernier
tire finalement sa révérence dans la course aux législatives et lui
apporte un soutien précieux.
Pourtant, rien ne le prédisposait au Sud- Ouest. Né
en Allemagne, d'un père Allemand et d'une mère Française, Matthias Fekl
décide de lui-même de franchir le Rhin et n'apprend à écrire la langue
de Molière qu'en quatrième. Une volonté de fer lui permet alors de
tracer sa voie et de passer les concours des plus grandes écoles avec
brio. « Depuis toujours passionné par la chose publique » il se laisse
alors doucement conduire vers une carrière politique.
C'est à l'ENA que Matthias Fekl sent pour la
première fois qu'il faudra faire un choix entre la vie de
haut-fonctionnaire ou d'élu. Guère passionné par les « cours rébarbatifs
» de l'Ecole voulus par Michel Debré, il consacre alors davantage son
temps au think-tank A Gauche, en Europe. Il y rencontre des
personnalités qui deviendront, peu ou prou, ses mentors: Michel Rocard,
Dominique Strauss-Kahn, Pierre Moscovici ou encore Marisol Touraine. Des
influences politiques qu'il ne renie pas lorsqu'on évoque la chute de
l'ancien patron du FMI mais qu'il commente sobrement : « C'est terrible.
Un gâchis ». Ce sera également le début de son amitié avec Olivier
Ferrand dont la disparition récente l'affecte profondément. Il évoque
avec nostalgie le succès des primaires socialistes, ce « pavé dans la
marre » jeté dès 2008 par le fondateur de Terra Nova. C'est dans ce
creuset politique que se forge sa vocation d'élu et qu'il décide «
d'affronter le suffrage universel ».
Refusant d'être parachuté et en « quête de
légitimité » il choisit le chemin le plus long mais le plus sûr et
s'implante dans le Lot-et-Garonne. Matthias Fekl aime faire « les choses
dans l'ordre ». Ce n'est qu'après six ans passés sur le terrain et
quatre en tant qu'élu local qu'il se lance enfin dans la bataille des
législatives. Aujourd'hui, celui qui affirme que « rien n'est plus
précieux que le terrain » entend honorer l'accueil et la confiance des
Lot-et-Garonnais. Spécialiste de droit public et auteur d'un manuel
juridique, il a déjà prévu de plancher sur la réforme des institutions
et en particulier sur le non-cumul et la limitation des mandats
successifs. « De toute façon, confie-t-il, personne n'est indispensable »
et de citer Guy Carcassone : « Le Par lement aujourd'hui ne manque pas
de pouvoir, il manque de parlementaires qui l'exercent pleinement ».
Matthias Fekl s'illustre en outre par un certain jeunisme. Partisan du
renouvellement de la classe politique, il recommande du « sang neuf »
pour répondre aux défis nouveaux imposés par la mondialisation.
Car celui qui a choisi la campagne comme terre
d'élection est loin d'ignorer la réalité du contexte international. Déjà
en stage à l'ONU il assiste auprès des plus hautes instances aux
premiers mois de la guerre en Irak. Fervent partisan de l'Europe, il
appelle de ses voeux un couple franco-allemand fort et entend redonner
du sens à cette institution en perte de vitesse. Il est favorable, par
exemple, à l'idée d'un service civique européen qui permettrait à tout
jeune de vivre l'expérience de l'étranger pendant quelques mois. Se
lamentant sur l'incompréhension du phénomène de la mondialisation, il
assène « raisonner au simple niveau national pour cons t rui re les pol i
t iques publiques est un non-sens ». Un libreéchange contrôlé et
maîtrisé trouve davantage grâce à ses yeux.
Mais s'il croit en l'Europe, son engagement
politique s'inscrit d'abord à l'échelon local et national où cinq ans de
labeur l'attendent maintenant. En effet, malgré son brillant CV, tout
reste encore à faire et à prouver pour Matthias Fekl.
Par Joseph d'Arrast
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