Ci-dessous une interview parue sur le site Localtis.info, suite à la parution de l'étude Terra nova "Normes européennes, loi française: le mythe des 80%".
Entre 10 et 25% des lois françaises auraient une origine communautaire
L’Europe est-elle responsable de tous les maux et vertus en France ? Une étude publiée par la fondation progressiste Terra Nova, fin janvier 2010, s’est intéressée au problème et a cherché à mesurer l’impact réel du droit européen sur la loi française, généralement évalué à 80%. Pour ce faire, elle a épluché plus de 1.000 textes et près de 20.000 projets de lois sur la période 1999-2008. Et la surprise est de taille.
Comme a pu nous le préciser Matthias Fekl, maître de conférence en droit public à Science-Po et co-auteur de l’étude, "ce chiffre de 80% est partout, dans toutes les études, tous les discours en France et dans beaucoup d’autres pays européens, donc dans tous les esprits. Or, il faut savoir que ce n’était qu’un pronostic de Jacques Delors (NDLR : devant le Parlement européen en 1998), non un constat, et surtout qu’il s’agissait d’un pronostic sectoriel à une période donnée, ce qui a été totalement oublié".
Cette référence des 80% a pourtant été reprise comme une moyenne générale et constitue souvent un argument politique en faveur ou à l’encontre de la construction européenne. Les auteurs Matthias Fekl et Thomas Platt ont pu établir que le chiffre de 80% utilisé pour décrire l’impact du droit européen sur la législation nationale ne correspond absolument pas à la réalité. Celle-ci pourrait être portée jusqu’à 25% au maximum dans le cadre d’une analyse aux critères très souples : une loi sur quatre comporte au moins une mesure d’origine européenne même si elle est très marginale. Mais seuls 10% des lois et articles adoptés comportent une part significative de mesures de transposition de droit communautaire.
"L’objectif était que le débat puisse avoir lieu sur des données fondées et non des mythes ou des fantasmes, explique Matthias Fekl. La référence aux 80% a servi les défenseurs de l’Europe mais également ses adversaires. Les premiers ont pu en rajouter sur l’apport de l’Europe dans la vie quotidienne, les seconds ont mis en avant que les systèmes législatifs nationaux étaient ligotés. On souhaitait montrer que l’Europe est influente mais qu’elle laisse des libertés."
En 2007 par exemple, sur 150 lois promulguées et ordonnances ratifiées, 13 seulement comportaient des mesures d’adaptation au droit communautaire soit un taux de 8,67%. Mais, ce taux est très irrégulier selon les années. En contre-exemple, en 2004, sur 147 lois promulguées et ordonnances ratifiées, 38 comportaient des mesures d’adaptation au droit communautaire ce qui fait passer le taux à près de 26%. Au total, sur la période 1999-2008, le taux s’élève à 14,39%.
Ainsi, quelle que soit la méthode d’analyse appliquée, l’impact réel du droit européen sur l’activité législative française est loin des 80% considérés comme référence.
Le Parlement français n’est pas une simple chambre d’enregistrement du droit communautaire. "On s’occupe beaucoup d’Europe à l’Assemblée mais j’ai toujours été surpris par le chiffre de 80% qu’on annonçait. Notre rôle de députés reste entier, la transposition pure et simple est rare", estime Jérôme Lambert, député pour la Charente et vice-président de la commission des affaires européennes. Il insiste toutefois sur l’existence du droit communautaire qui ne touche pas au domaine législatif : les règlements directement applicables qui dépassent le cadre de l’étude de Terra Nova. Mais pour Matthias Fekl, le rôle de l’Europe ne doit pas être limité au domaine du droit : "Le rôle de l’Europe, ce n’est pas que cela, c’est symbolique, politique, financier."
Vous pouvez aussi retrouver l'interview sur localtis.info
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