Bonjour,
Vous trouverez ci-dessous un article paru dans Le Monde de ce week-end, au sujet du numéro spécial de la Revue socialiste consacré au 10 mai 1981.
"Un beau numéro. Oui, il faut le dire, c'est un beau numéro de La Revue socialiste qu'a concocté son directeur de la rédaction, l'historien Alain Bergounioux, pour le trentième anniversaire de la victoire de François Mitterrand à l'élection présidentielle de 1981.
Cette réussite tient à l'effort qu'ont fait les contributeurs pour tirer les enseignements de cette victoire. C'est le cas de l'historien Jean-Noël Jeanneney.
Dans un article qui aurait pu porter le titre d'un de ses livres, Leçon d'histoire pour une gauche au pouvoir, le président du conseil scientifique de l'Institut François-Mitterrand explique pourquoi, selon lui, le premier secrétaire du Parti socialiste l'a emporté en 1981 : la "maîtrise des rythmes", d'abord, autrement dit "l'art de réinjecter de la lenteur dans la vie publique". L'homme qui voulait "donner du temps au temps", rappelle l'historien, savait "créer lui-même l'événement sans se le laisser imposer". Il s'est déclaré tardivement candidat (le 8 novembre 1980), puis a fait une campagne courte. Bref, il ne s'est pas épuisé, et a su éviter d'épuiser l'opinion. Les souvenirs de Jean Glavany à propos de la campagne de 1981, racontés quelques pages plus loin, vont dans le même sens - et rappellent au passage quelques éléments de bon sens sur l'usage des sondages en période électorale.
Aux autres ingrédients de la victoire - un ancrage résolument à gauche et une capacité à "faire confiance aux vertus de sa propre pédagogie", au risque de prendre l'opinion à revers (ce qui fut le cas à propos de la peine de mort) -, Jean-Noël Jeanneney ajoute une autre réflexion, elle plutôt inspirée par les échecs postérieurs à 1981 : les socialistes, selon lui, auraient dû constituer à l'époque où ils étaient dans l'opposition une sorte de "contre-gouvernement", à la manière des Britanniques. Gage d'efficacité pour les lendemains de victoire, il s'agit, dit-il, d'un besoin "impérieux" aujourd'hui.
Plus encore que les bilans des années Mitterrand dressés par ceux qui en sont également comptables (de Robert Badinter à Hubert Védrine, de Laurent Fabius à Lionel Jospin, en passant par Michel Rocard, dont l'article est à la fois le plus brillant et le plus cinglant), deux autres séries de contributions réunies dans ce numéro sont d'un intérêt particulier.
Les premières sont issues d'une enquête effectuée auprès des militants socialistes par Claude Dargent et Henri Rey, du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Mis en perspective dans la longue durée, les résultats font apparaître à la fois des pesanteurs (la féminisation n'est que très relative), des évolutions qui concernent l'ensemble des partis (la "précarisation des engagements militants") et un rajeunissement certain.
C'est justement à ces jeunes responsables du PS, nés à la veille du 10 mai 1981, que La Revue socialiste a eu la bonne idée d'ouvrir ses colonnes. Vice-président du conseil régional d'Aquitaine, âgé de 33 ans, Matthias Fekl a raison d'emprunter à l'historien Pierre Nora l'expression "lieu de mémoire" pour qualifier ce dimanche historique, tant il est vrai que chacun, même s'il ne l'a pas vécu, a "son" 10 mai, c'est-à-dire son idée du "changer la vie" : renouer avec l'élan décentralisateur (Gwendal Rouillard, patron de la fédération socialiste du Morbihan, 35 ans), réconcilier monde politique et mouvement social (Charlotte Brun, secrétaire nationale aux personnes âgées et aux handicapés, 34 ans), à moins qu'il ne s'agisse tout simplement d'incarner une "rupture" résolue avec le "cours des choses" (Najat Belkacem, adjointe au maire de Lyon, 33 ans).
La Revue socialiste 10 mai 1981 10 mai 2011, Héritages et espérances, Nº 42, 2e trimestre 2011 142 p., 10 €. Thomas Wieder"
Commentaires