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Vous trouverez ci-dessous un article paru dans L'Humanité au sujet du 10 mai 1981.
Mai 1981 est « un lieu de mémoire », souligne Matthias Felk, trente-trois ans, vice-président PS de la région Aquitaine dans la dernière Revue des socialistes. On pouvait s’y attendre, l’enthousiasme pour cette date historique est encore vivace chez les jeunes socialistes. Leur présidente, Laurianne Deniaud, « pas née en 1981 », a goulûment avalé, ces dernières semaines, les images de la fête historique, place de la Bastille : « Quand je vois cette joie, cette émotion, j’ai le cœur qui palpite », déclare la jeune femme de vingt-neuf ans. Ancien président de l’Unef, membre du conseil économique et social, Jean-Baptiste Prévost partage ce sentiment : « Plus qu’un symbole, c’est le début d’une ère de transformation sociale en France. » Comme lui, nombre de jeunes se souviennent des « avancées apprises dans les livres d’histoire : abandon de la peine de mort, fin du délit d’homosexualité, libération des ondes… »
Si les jeunes de gauche, unanimes, saluent le vent nouveau qui a « porté l’espoir » au pouvoir en cette date « légendaire » du 10 mai 1981, tous ne s’attardent pas. « Si on parle d’espoir, il faut aussi parler de désenchantement », note Nicolas Bescond, vingt-six ans, coordinateur à la vie des départements du Mouvement des jeunes communistes. Issu d’une famille « pas militante à gauche », lui n’a « pas d’idolâtrie de 1981 ». « Les années quatre-vingt, ce sont aussi les perspectives libérales qui émergent. La gauche, confrontée au marché, est toujours empêtrée dans ces problématiques. » Contrepoint à sa remarque, ce texte publié par l’adjointe au maire socialiste de Lyon, Najat Vallaud-Belkacem, trente-trois ans, dans la Revue des socialistes. « Je ne crois pas, en réalité, qu’un seul de mes camarades trentenaires, moi comprise jusqu’à présent, ait jamais sérieusement imaginé contribuer à faire revenir la gauche en s’appuyant, comme nos aînés de 1981, sur une vague d’espoir – et donc multiplier les incitations au rêve. » La fin de « l’incitation au rêve », ou comment le tournant de la rigueur de 1983-1984, les « années fric » et la realpolitik socialiste ont définitivement ancré la politique dans le « réalisme ».De « rêves », la jeunesse de gauche n’en manque pourtant pas. Celui de voir un nouvel avènement de la gauche, « alternative plus qu’alternance » n’est pas le moindre. La « génération Chirac », qui n’a pratiquement vécu sa jeunesse que sous le règne de la droite, veut du changement. Engagée en politique en 2001, Laurianne Deniaud a vécu « deux défaites » à la présidentielle. « Du coup, j’ai tellement envie de participer à une victoire de la gauche en 2012… » « Nous qui n’avons connu de la politique que la régression proposée par la droite, et de l’engagement que la résistance, sommes orphelins d’une grande aventure de la gauche », rebondit Jean-Baptiste Prévost. « Volonté d’engagement, colère sociale et politique sont fortes, mais ce qui s’exprime dans les mobilisations trouve peu de débouchés politiques », note amèrement Nicolas Bescond. Lui met en avant le « programme populaire et partagé » du Front de gauche, pour répondre à ces attentes. Un œil sur mai 1981, l’autre sur 2012, Laurianne Deniaud revient sur la nécessaire « union de la gauche ». « Même s’il y a plusieurs candidats de gauche, il faut commencer un travail de fond programmatique, des partis, des associations, syndicats, ces Français qui inventent tous les jours le monde de demain… » Jean-Baptiste Prévost acquiesce, dans un parallèle avec le tournant de la rigueur de 1983-1984 : « Pour tenir la distance, la gauche (on l’a vu lors de la mobilisation sur la réforme des retraites) doit s’appuyer sur la société mobilisée. »
« Il faut organiser la dialectique entre partis, syndicats, mouvement social et associatif, poursuit-il. C’est un des éléments de réussite qu’avait apporté le programme commun en mai 1981. » Mais « un an et le rassemblement de la gauche derrière une seule candidature ne suffiront pas », prévient Nicolas Bescond.
Le constat est unanime : sans le peuple, la gauche n’est rien. C’est peut-être un des seuls enseignements de la victoire de mai 1981 sur lequel tous sont d’accord…
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