Les nouveaux députés socialistes élus en juin font leurs classes à l'Assemblée nationale, mais certains sont déjà de vieux routiers de la vie politique.
Ils sont 140 nouveaux députés au sein du groupe socialiste à l'Assemblée nationale. Une quarantaine d'entre eux ont entre 30 et 40 ans. Ce sont les députés de la «génération Hollande», comme il y eut la génération Mitterrand. Des élus qui doivent l'essentiel de leur légitimité à François Hollande. Certains commencent déjà à faire parler d'eux. Le député de Paris Pascal Cherki fait entendre sa voix et ses positions très à gauche. La députée des Hautes-Alpes Karine Berger, l'une des jeunes économistes de la campagne de François Hollande (elle est polytechnicienne), est déjà écoutée. La députée des Français de Londres, Axelle Lemaire, s'est fait remarquer en refusant un ministère délégué aux Français de l'étranger.
Quant au nouveau député de Seine-et-Marne Olivier Faure, il est déjà surveillé: très proche de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault, il est à la manœuvre politique pour le premier ministre. Son nom a même été cité comme possible premier secrétaire du PS, en remplacement de Martine Aubry.
À bien y regarder, les nouveaux… ne le sont pas tous. «Il y a des vrais et des faux», observe Laurent Baumel (Indre-et-Loire), l'une des plumes de l'ancien réseau Strauss-Kahn. «Certains ne font de la politique que depuis quelques années et n'ont pas une longue ancienneté. Souvent, ce sont des femmes» qui ont bénéficié du souci de parité. Leur élection est un concours de circonstances, tandis que d'autres ont dû se battre pour y arriver. Et puis il y a une génération de nouveaux qui sont investis au PS depuis quinze ou vingt ans. «Nous avons mûri dans l'attente. Nous sommes des nouveaux au Parlement, mais sans l'être en politique. On a une expérience politique qui nous permet d'être rapidement présents dans les débats», poursuit Baumel.
«Une approche plus pragmatique»
Même sentiment pour Razzy Hammadi (Seine-Saint-Denis), qui a enfin réussi à décrocher un mandat après avoir traîné ses ambitions au sein du PS depuis des années. Ancien patron du MJS, il est un habitué des jeux de courants. Aujourd'hui, il voudrait s'en extraire et tente d'organiser des rencontres et des dîners entre nouveaux. «Nous avons trois choses en commun, assure-t-il: le 21 avril 2002, le sentiment d'être comptables de la victoire et une approche plus pragmatique et moins clivée en termes de sensibilités au sein du parti.»
Sur ce dernier point, c'est à voir… Certains se revendiquent exclusivement du chef de l'État. «J'ai fait campagne sur ses engagements, le débat n'existe pas entre sensibilités», affirme Seybah Dagoma, l'un des visages de la diversité à l'Assemblée. Mais d'autres, de l'aile gauche aux sociaux-démocrates, gardent un pied dans leur chapelle. Le ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, a ainsi déjà réuni les nouveaux qui lui sont proches. C'est la ligne pragmatique qui domine: les nouveaux députés PS n'ont pas fait leurs classes à l'extrême gauche, dans les partis trotskistes ou communistes, contrairement à beaucoup de leurs aînés.
Parmi les nouveaux figurent beaucoup de ces chevilles ouvrières qui font vivre un parti: Émeric Bréhier (Seine-et-Marne), coordinateur du courant Moscovici, ou Barbara Romagnan (Doubs), chargée d'animer celui de Benoît Hamon. D'autres font presque figure d'anciens, comme Jean-Marc Germain (Hauts-de-Seine), directeur de cabinet de Martine Aubry, Christophe Borgel, le «M. Élections» du PS, ou Pascale Boistard, secrétaire nationale aux adhésions, autre poste clé du fonctionnement de Solferino.
Beaucoup ont fait leurs classes dans les arcanes partisans ou dans les organisations de jeunesse. «Il y a des réflexes de réseau que n'ont pas ceux qui ont des mandats locaux», analyse Karine Berger. Entre nouveaux, «on s'est mis d'accord pour se voir», ajoute-t-elle. Pour échanger des idées, des contacts, et se prévenir mutuellement des pièges… «Il y a une conscience que c'est notre responsabilité d'arriver au redressement du pays, sans vouloir utiliser le mot officiel du hollandisme! Si ce n'est pas nous qui le faisons, il ne nous restera pas grand-chose.»
«Nous sommes une génération de crise», reconnaît Eduardo Rihan Cypel (Seine-et-Marne), naturalisé français et né entre les deux chocs pétroliers des années 1970. «On a grandi avec l'idée que l'exercice du pouvoir était contraint et difficile. Ce n'est pas pareil d'avoir 20 ans en 68 et 20 ans au moment du congrès de Rennes. On sait que c'est difficile de gouverner», explique Laurent Baumel. Tous savent que, dans le contexte actuel, le risque de «décevoir» est grand, comme dit Matthias Fekl, député du Lot-et-Garonne, 35 ans, qui fut l'un des conseillers techniques de François Hollande pendant la primaire socialiste. Génération sans illusion qui veut tenter sa chance.