Bonjour,
Vous trouverez ci-dessous un article paru cette semaine dans Paris Match sur "Les benjamins de la République".
Yves Derai - Paris Match
(De g. à dr.) Charlotte Brun, 32 ans, DEA d’histoire, secrétaire nationale au PS et adjointe au maire d’Ecouen. Sa fierté : « Le militantisme. » Bruno Julliard, 28 ans, maîtrise de droit public, ex-président de l’Unef, adjoint au maire de Paris. Sa différence : « Je me verrais bien un jour ouvrir un bar. » Paul Bernard, 32 ans, Normale sup, agrégé de lettres, conseiller auprès du maire de Paris. Sa vision : « Internet va prendre de plus en plus de place en politique. » François-Xavier Bellamy, 24 ans, Normale sup, agrégé de philo, professeur des écoles et adjoint au maire de Versailles (divers droite). Son modèle ? « Churchill. » Matthias Fekl, 32 ans, Normale sup, énarque, magistrat au tribunal administratif de Paris et adjoint au maire de Marmande (PS). Son credo : « Il faut toujours pouvoir dire “merde” en politique. » Anthony Borré, 24 ans, maîtrise de droit privé, master 2, conseiller parlementaire du ministère de l’Industrie et élu à Villiers-sur-Marne (UMP). Son moteur : « Estrosi à Nice, sur ses terres, c’est une bête politique. » Anne-Sophie Grouchka-Souhaité, 28 ans, Normale sup, Essec, DEA d’allemand, directrice adjointe au cabinet de Nadine Morano. Son leitmotiv : « J’anticipe. » Ludivine Olive, 32 ans, Deug de droit, chef de cabinet à la Chancellerie. Wladimir d’Ormesson, 29 ans, Normale sup, énarque, magistrat administratif au tribunal administratif de Versailles et adjoint au maire de Bourges (majorité présidentielle).
Ils ont entre 28 et 32 ans, sont surdiplômés et engagés, et ils exercent des responsabilités locales ou nationales. Bien nés ou pas, ils veulent pratiquer la politique différemment de leurs aînés.
On compte et recompte les années. Et on reste incrédule quand François-Xavier Bellamy, 24 ans, énonce son CV. « Après des études de lettres, je suis entré à Normale sup. En parallèle, j’ai commencé à travailler comme plume au ministère de la Culture. Puis j’ai tenu à passer mon agrég’ de philo tout en étant conseiller au cabinet de Rachida Dati...»
Aujourd’hui, ce jeune homme dont le sourire respire encore l’adolescence est adjoint au maire de Versailles. Accessoirement, il a refusé un poste au cabinet de François Fillon. « Je voulais reprendre contact avec la vie réelle », dit-il. Il enseigne la philosophie à La Garenne-Colombes.
Premier sujet de convergence entre ces beaux esprits : l’obsession de ne pas dépendre de la politique. « Je ne veux pas que mes prises de position soient dictées par mon salaire », affirme Matthias Fekl, un énarque proche de Pierre Moscovici. Son copain Wladimir d’Ormesson, neveu de l’écrivain et UMP bon teint, a suivi la même formation. Il insiste aussi sur cet impératif. Tout comme Charlotte Brun, cadre du PS, mais heureuse, surtout, de se consacrer à ses enfants, à ses élèves et à son mandat d’élue locale.
L'absence de contre-pouvoirs dans notre pays est le vrai problème
Autre point commun à mettre, cette fois, au débit de ces futurs dirigeants, une langue de bois déjà experte sur la question générationnelle. Tous clament ne pas vouloir « pousser les vieux vers la sortie ». En réalité, s’ils n’ont pas de raison d’affronter les anciens, certains sont déjà en concurrence avec les quadras. Surtout au PS. Les Montebourg, Valls, Peillon, Hamon auraient pu – dû ? – être ministres sous Jospin. Mais, contrairement à Nicolas Sarkozy, qui a lancé les Yade, Wauquiez et autre Kosciusko-Morizet dès 2007, Jospin n’a pas su donner leurs chances à ses « espoirs ».
A droite, le conflit de générations semble moins saillant. Cependant, quand on conseille un ministre bien installé, la difficulté consiste à se faire entendre. « En réunion, je dois toujours commencer par prouver ma connaissance des dossiers », explique Anthony Borré, 24 ans, conseiller parlementaire de Christian Estrosi. Ludivine Olive, chef de cabinet de MAM, a, elle, rencontré une double difficulté : « Je suis la nièce de la ministre, et j’ai eu affaire à des militaires et à des policiers, à la Défense et à l’Intérieur. Vous imaginez...»
Et Jean Sarkozy dans tout ça ? A-t-on, à travers lui, fait le procès de la jeunesse ? Bruno Julliard, nommé adjoint au maire de Paris à 27 ans, ne le pense pas. « Il n’est pas qualifié pour cette fonction. » Dans le même élan, le secrétaire national du PS reconnaît pourtant que s’il a lui-même progressé si vite, « c’est parce [qu’il a] été très médiatisé comme président de l’Unef à l’époque du CPE »...
Sur cette affaire, Wladimir d’Ormesson, bon connaisseur de la démocratie américaine, livre l’analyse la plus fine : « Le problème n’est pas Jean Sarkozy mais l’absence de contre-pouvoirs dans notre pays. Si les élus UMP n’étaient pas dans la main de l’Elysée mais réellement investis par le parti, ils voteraient en toute liberté et il n’y aurait rien à redire. »
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