C'est l'un des débats récurrents dont notre pays a le secret: la question du non-cumul des mandats revient périodiquement dans l'actualité politique et médiatique et a connu, en période récente, un regain d'intérêt.
Il est vrai que la France se distingue des principales démocraties libérales en autorisant ses parlementaires à occuper, en même temps, des fonctions exécutives locales. Les justifications sont connues: être parlementaire conforte le détenteur d'un mandat local; avoir un mandat local permet au parlementaire de ne pas perdre le lien avec le terrain. A mes yeux, elles ne tiennent pas: certes, un mandat de parlementaire donne un poids accru à un maire, à un président de conseil général, à un président de conseil régional, mais l'inverse n'est pas vrai: les fonctions exécutives locales sont trop prenants, harassantes parfois pour être compatibles avec un mandat de parlementaire. Voter la loi, adopter le budget, contrôler le pouvoir exécutif: ces lourdes responsabilités appellent des parlementaires à plein temps. Reste le second argument: le lien avec le terrain. On ne peut le balayer d'un revers de main, car rien ne serait pire qu'un parlement vivant dans une bulle, totalement déconnecté des réalités du pays. Pourtant, le droit comparé nous montre que nos princpaux partenaires européens et occidentaux ne s'en sortent pas plus mal que nous. On peut ajouter, avec le constitutionnaliste Guy Carcassonne, qu'un parlementaire rompant le lien avec son territoire d'élection serait, dans un premier temps, décrédibilisé et, dans un second temps, battu aux élections.
Historiquement, la gauche a fait voté des lois qui ont, progressivement, encadré et limité les possibilités de cumul. Revenue au pouvoir, elle devra poursuivre dans cette voie, en limitant aussi les possibilités de cumul dans le temps, et en élargissant le champ des limitations, au-delà des mandats, à diverses responsabilités telles que les fonctions exécutives dans les intercommmunalités. C'est la conséquence logique de la décentralisation, et cela va dans le sens d'un Parlement renforcé et d'une démocratie rénovée.
Sans constituer bien sûr un remède magique à tous les maux de nos institutions, le non-cumul est ainsi à la fois la preuve d'une nouvelle pratique du pouvoir et une clé pour renouveler et diversifier la représentation politique dans notre pays.