Bonjour,
Cette note pour vous signaler un article du Monde consacré à la refondation de la Revue socialiste, refondation dont je vous avais dit quelques mots sur ce blog il y a un an.
Bonne lecture !
"Une refondation perpétuellement recommencée
Figure de l'intellectuel ouvrier, Benoît Malon avait déjà un parcours dense quand il fonda, en 1885, La Revue socialiste. Né le 23 juin 1841 dans la Loire, fils de paysans pauvres, il devient ouvrier teinturier après avoir renoncé au séminaire. Militant de l'Association internationale des travailleurs, plusieurs fois emprisonné, il participe à la Commune et s'exile en Suisse. A son retour, il flirte un temps avec Jules Guesde et les marxistes avant de rejoindre Paul Brousse et les réformistes.
Quand il fonde La Revue socialiste, après un essai avorté en 1880, Malon veut s'adresser, en socialiste indépendant, "à tous les socialistes de bonne volonté, sans distinction d'école". Dès le premier numéro, il annonce que sa revue "ne sera l'organe ni d'un homme, ni d'une secte, ni même d'un parti ; elle sera le foyer où convergeront toutes les idées de réforme et de transformation sociale qui, sous la pression des nécessités politiques et économiques, agitent si tragiquement notre époque".
Les défenseurs de l'idée socialiste sont éparpillés en de multiples chapelles rivales et les mots de Malon ont une résonance presque actuelle : "Il est temps de dégager l'élaboration socialiste de tous les accidents de rivalités personnelles, d'ambitions particulières, de fanatisme d'école, d'intrigues de secte, de mêlée furieuse des partis, qui l'ont tant entravée jusqu'ici."
Malon gagne son pari : carrefour d'opinions modérées, La Revue socialiste, aidée par un mécène, Rodolphe Simon, ne compte que 350 abonnés mais reste jusqu'au bout ouverte et indépendante. Après la mort de Malon, en 1893, plusieurs directeurs reprennent le flambeau : Georges Renard, Gustave Rouanet, Eugène Fournière. Reçu premier à l'Ecole normale supérieure, Albert Thomas, futur dirigeant du Bureau international du travail, cherche un espace pour la revue entre la CGT et l'élite intellectuelle. Et il songe à la rapprocher de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO), née en 1905. Mais la guerre de 1914 a raison de ces velléités. La revue s'arrête.
En 1925, Jean Longuet, le petit-fils de Karl Marx, et Ludovic-Oscar Frossard, revenu à la SFIO après un détour par le Parti communiste, lancent La Nouvelle Revue socialiste qui témoigne d'un attachement sans faille au marxisme. Mais, avec moins de 800 abonnés, le titre disparaît en 1931.
C'est par une décision du comité directeur de la SFIO, le 13 mars 1946, sous l'impulsion de Guy Mollet, que renaît La Revue socialiste. "L'oeuvre qu'a entreprise Benoît Malon il y a soixante ans, est-il écrit dans le premier numéro, nous la reprenons." Mais, dépendante de la SFIO, elle est contrôlée par ses hiérarques qui peuplent son comité de rédaction. Pour Emeric Bréhier, auteur d'une thèse sur les revues de la gauche (La Revue socialiste, 1999), ce patronage historique relève plutôt d'"un véritable hold-up patrimonial et historique".
C'est pourtant un prestigieux universitaire, Ernest Labrousse, qui prend les rênes de cette nouvelle version de la revue. En juin 1954, le soutien de la SFIO à la Communauté européenne de défense (CED) déchire les socialistes. Au sein de la revue, partisans et opposants livrent leurs thèses. Labrousse et six membres du comité de rédaction claquent la porte. Son successeur, Etienne Weill-Raynal, un homme de l'appareil, ne redresse pas la barre. Peu lue, la revue sombre, avec la SFIO, en 1969.
Ce n'est qu'après le congrès d'Epinay (juin 1971) que François Mitterrand songe à doter le PS d'une revue qui, en rupture avec le passé et le passif de la SFIO, marque, selon Emeric Bréhier, le "renouveau de la culture socialiste". En avril 1974, paraît La Nouvelle Revue socialiste (NRS). Mitterrand en est le directeur politique et en confie la direction effective à Maurice Benassayag, un de ses proches.
Concurrencée par des revues de courants, comme Repères pour le Ceres ou Faire pour les rocardiens, la NRS peine à s'inscrire dans le paysage socialiste. Elle apparaît avant tout comme une revue officielle du PS. Même si toutes les sensibilités sont présentes au comité de rédaction, elle incarne surtout la majorité mitterrandienne. A la fin des années 1980, la NRS disparaît dans l'indifférence générale.
A l'image du PS, La Revue socialiste est en perpétuelle refondation. En 1998, c'est une nouvelle renaissance, sous la houlette d'Henri Weber, un proche de Laurent Fabius, qui se montre soucieux d'y faire collaborer des intellectuels. Le trimestriel veut "offrir des éléments de réflexion et de débats pour rendre vivante la pensée socialiste". De 2005 à 2008, Jean-Christophe Cambadélis, un proche de Dominique Strauss-Kahn, dirige à son tour la revue.
Historien, rocardien historique, président de l'Office universitaire de recherche socialiste (OURS) - créé par Guy Mollet -, Alain Bergounioux est aux manettes de La Revue socialiste depuis novembre 2008. Il a rénové la maquette, ouvert davantage la revue aux intellectuels, élargi les thèmes, avec un numéro, en avril, sur "la morale en questions". Conseiller de Martine Aubry, il revendique "une grande autonomie par rapport à la direction du parti".
Alain Bergounioux veut donner "un nouvel élan" à la revue, avec la volonté de contribuer à la refondation doctrinale du PS. "Il faut sortir du débat entre socialistes pour s'ouvrir largement aux analyses et aux points de vue d'horizons différents", souligne-t-il. La revue n'a que 1 500 abonnés mais, une fois par an, un adhérent a le droit à un exemplaire gratuit. "