Vous trouverez ci-dessous un article paru dans daté du 10 décembre (rubrique "Le Livre du jour"), et consacré à "2027", le livre-débat avec Wladimir d'Ormesson et Jean-François Achilli que je viens de publier.
"Ils sont trentenaires, normaliens, énarques, rêvent d'une "France sereine" et confessent tous les deux leur admiration pour Pierre Mendès France. Amis, ils sont engagés politiquement, l'un à gauche, l'autre à droite.
Matthias Fekl, 33 ans, né à Berlin, d'une mère française et d'un père allemand, couple d'enseignants, est adjoint (PS) au maire de Marmande (Lot-et-Garonne), vice-président du conseil régional d'Aquitaine. Wladimir d'Ormesson, 30 ans, parent de Jean d'Ormesson et arrière-petit-fils de Pierre Brossolette, proche de Léon Blum, se définit comme centriste, c'est-à-dire "modérateur de son camp ". Conseiller municipal (UMP) de Bourges (Cher), il est d'abord passé par la case MoDem.
Chef du service politique de France Inter, Jean-François Achilli a eu la bonne idée d'animer un dialogue entre ces deux jeunes hommes brillants, lettrés, passionnés, en leur demandant de projeter leur vision de la France en... 2027. La date, qui sera celle de la troisième présidentielle après 2012, reste subliminale. Mais elle devrait marquer une relève générationnelle.
Matthias Fekl et Wladimir d'Ormesson ne pensent pas à la présidentielle de 2027 en se rasant. Ils ont une haute idée de la politique et ne trouvent pas les partis "ringards". Pour percer, l'élu PS prône "du travail, de la persévérance, une dynamique collective et une bonne étoile pour éclairer le chemin". L'élu UMP juge qu'il faut "avant tout, être crédible".
Il y a beaucoup de complicité dans cette conversation, toujours courtoise et argumentée, parfois vive, et où toute langue de bois est bannie. Ils refusent le jeu de rôle de "la gentille gauche contre la méchante droite". Tous les deux favorables au mariage homosexuel ou à l'idée d'un service civique européen, ils n'hésitent pas à reconnaître leurs convergences, même si Wladimir d'Ormesson, pour qui le clivage droite-gauche "n'a jamais voulu dire grand-chose", est plus prompt à le faire. Moins consensuel, Matthias Fekl parle de "différences profondes" mais récuse "un affrontement simpliste entre le bien et le mal".
Réformisme bon teint
Les fleurets sont moins mouchetés sur Nicolas Sarkozy. Pour Matthias Fekl, "Sarkozy est en rupture, sur plusieurs points essentiels, avec notre pacte républicain." "Il joue indéniablement le jeu républicain !", réplique Wladimir d'Ormesson. Bon centriste, il admet que le président "a déçu" mais "les réformes qu'il s'est engagé à conduire sont réalisées". Il note qu'"un président de la République qui insulte quelqu'un, c'est une faute politique" et lui reproche son "déni de réalité", après la déroute aux régionales, et le débat sur l'identité nationale.
Au libéralisme de son ami UMP, adepte de la flexibilité du travail, Matthias Fekl, fidèle à Dominique Strauss-Kahn, oppose un réformisme bon teint : "La réforme n'est possible qu'à condition d'être juste, et que l'on demande à chacun d'y contribuer, à la mesure de ses facultés." Les deux trentenaires échangent aussi sur la "promesse républicaine". "La restaurer ?" Oui, dit l'élu UMP, "mais Dieu sait si nous n'avons pas la même approche !" "Je ne suis pas certain, répond laïquement l'élu PS, que Dieu soit le mieux placé pour rétablir - plutôt que restaurer ! - la promesse républicaine." L'humour donne du sel à cet échange libre entre deux élus qui prennent plus au sérieux leurs engagements que leurs personnes."
Michel Noblecourt
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